Idéalisme et Matérialisme
Notions : Esprit et Matière
Repères : Immanent-Transcendant
La philosophie, étonne et/ou déroute pas la diversité de ses points de vue, parfois très opposés. Mais, y a-t-il autant de points de vue philosophiques que de philosophes ? En fait, les philosophies peuvent être regroupées en deux grandes tendances selon les similitudes de leurs points de vue sur la question fondamentale de la connaissance du monde posée en termes de rapport d’ordre et de constitution entre idées et choses.
L'idéalisme
Il pose que la connaissance se produit par les Idées ou Essences des choses, et non seulement avec des idées et représentations. La philosophie de référence est celle de PLATON (427-347). Selon lui, les idées sont des formes abstraites et parfaites dont les choses concrètes sont des incarnations ou copies ; comme des moules imposant des formes aux choses. Par exemple, l'idée de cheval serait le moule de tous les chevaux existants, donc cette idée existerait avant tout cheval et de toute éternité dans un monde abstrait auquel seul l’esprit accède (le « monde des Idées ou Formes »). Le platonisme applique ce schéma à toutes les idées depuis celle de justice jusqu’à celle de crasse (Parménide, 130) ! Ainsi, pour Platon la réalité est d’abord une « réalité idéelle » ou « en idée » ; le « monde des Idées » serait la vraie réalité, supérieure au monde concret fait d’apparences… (Cf. Allégorie de la Caverne).
Autres grands idéalistes (chacun à sa façon) : DESCARTES, LEIBNIZ, KANT, HEGEL.
Remarque : «être idéaliste" en philosophie ne signifie pas, comme dans le langage ordinaire, avoir des idéaux très élevés = sens moral. En ce sens, tous les philosophes seraient idéalistes, car tous poursuivent des idéaux comme la vérité, le bien, et la justice.
Problème
Comment a-t-on l’idée d’un monde d’idées donc la réalité-même est une idée affirmant l’idée de ce monde ? « Mystère surnaturel » ou pensée arbitraire non avouée qui tourne en rond sur elle-même ? Autrement dit, n’y a-t-il pas un cercle logique à dire : il y a un monde des idées supérieur et au-delà du monde réel et j’en ai l’idée ! Cette difficulté est analogue à celle de la thèse théologique de l’affirmation de l’incommensurabilité de Dieu. Du fait de sa transcendance et de son infinité, « Dieu est sans commune mesure avec nous ». Ainsi, « Dieu est inconnaissable ». Mais cet énoncé est déjà une connaissance sur lui ! Les précédents aussi. Il faudrait donc se taire, comme il faudrait ne pas affirmer l’idée d’un monde des idées transcendant au réel. Le problème se dissipe si nous faisons des idées des productions humaines et donc de ce monde, constituées de nos expériences, de nos images et véhiculées pas les mots, souvent à notre insu !
Le matérialisme (ou le réalisme)
Il s’oppose à l’idéalisme : les formes ou idées n'existent pas en dehors de la réalité concrète physique ou sociale. L'esprit humain qui abstrait ces formes (images, schémas) à partir de la perception ou de l'observation plus ou moins attentive des choses, au moyen des cinq sens. Ces contenus sont ensuite codés par les langues qui permettent la pensée symbolique et les significations abstraites, comme « le Cheval ». Pour les réalistes les idées, présentes dans le sujet pensant, ont donc un ancrage dans la réalité objective. Ici, la philosophie de référence est celle d’ARISTOTE (384-322), disciple dissident de PLATON. Pour ARISTOTE, il n'y a qu'un seul monde de la pensée. LA connaissance s’effectue à partir de nos expériences et réflexions. Les formes communes aux choses sont mélangées avec la matière et ne s'en distinguent que par le travail analytique de l'esprit qui, dans un deuxième temps produit par synthèse des notions communes ou concepts universels ne retenant pas les caractères particuliers de la réalité observée ; ex. le concept de Cheval définit tout cheval sans retenir la taille ou la couleur de tel ou tel cheval vu ou visible. Pour ARISTOTE, pas de monde d'idées séparé du monde réel. La réalité est entièrement de ce monde. )
Autres penseurs réalistes : les empiristes LOCKE, HUME, RUSSELL ; les matérialistes comme EPICURE, SPINOZA, DIDEROT, MARX ; si les savants le sont aussi dans leur travail scientifique, ils peuvent avoir, en tant qu’hommes, des positions idéalistes, certains sont mêmes « croyants ».
Remarque
Ne pas confondre le réalisme ou le matérialisme philosophique avec ceux du sens commun. En effet, le sens commun définit une personne réaliste comme étant quelqu'un "qui a les pieds sur terre" en opposition avec le « rêveur » ou l’« idéaliste » ; quant au « matérialiste » (péjoratif, surtout dans la bouche des papes) n’aurait que des préoccupations « bassement matérielles ». Les philosophes réalistes ou matérialistes s’occupent des idées et non de ce qu’il y a dans leurs réfrigérateurs ou de leur compte en banque. Cette confusion est volontaire dans certains discours visant à combattre le Matérialisme au nom d’une spiritualité religieuse et de la défense d’un « au-delà » auquel les hommes devraient accorder la priorité pour « oublier» que c’est ici-bas qu’ils ont à mener leur vies, l’améliorer, mener des combats, exiger la liberté ou le bonheur…
Ne pas confondre le réalisme ou le matérialisme philosophique avec ceux du sens commun. En effet, le sens commun définit une personne réaliste comme étant quelqu'un "qui a les pieds sur terre" en opposition avec le « rêveur » ou l’« idéaliste » ; quant au « matérialiste » (péjoratif, surtout dans la bouche des papes) n’aurait que des préoccupations « bassement matérielles ». Les philosophes réalistes ou matérialistes s’occupent des idées et non de ce qu’il y a dans leurs réfrigérateurs ou de leur compte en banque. Cette confusion est volontaire dans certains discours visant à combattre le Matérialisme au nom d’une spiritualité religieuse et de la défense d’un « au-delà » auquel les hommes devraient accorder la priorité pour « oublier» que c’est ici-bas qu’ils ont à mener leur vies, l’améliorer, mener des combats, exiger la liberté ou le bonheur…
Remarque générale
Ces points de vue sont opposés, mais ils peuvent cohabiter au sein d’une même philosophie, selon les influences subies par le penseur et sa capacité à coudre ensemble des thèses idéalistes et d’autres matérialistes… La proportion dans l’assemblage est variable et la couture plus ou moins fine et solide…
Ces points de vue sont opposés, mais ils peuvent cohabiter au sein d’une même philosophie, selon les influences subies par le penseur et sa capacité à coudre ensemble des thèses idéalistes et d’autres matérialistes… La proportion dans l’assemblage est variable et la couture plus ou moins fine et solide…
Quand on découvre la philosophie, il arrive qu'un philosophe particulier nous plaise ou, au contraire, nous horripile. Cela tient au fait que nous avons des « opinions » qui sont autant d’idées relevant, elles aussi, de points de vue idéalistes ou matérialistes ; ces points de vue sont autant de pré-philosophies spontanées et implicites (non réfléchies et inconscientes) qui se reconnaissent ou pas dans telle ou telle œuvre ou texte.
Gilles Deleuze (1925-1995) soutient que la philosophie commence avant et hors de la philosophie ; toute la pensée est dans un même plan d’immanence où, ici et là, des événements conceptuels se produisent dans et par ce que nous appelons « les grands philosophes », c’est-à-dire à travers leurs œuvres.
« La philosophie est dans un rapport essentiel et positif avec
la non-philosophie : elle s’adresse directement
la non-philosophie : elle s’adresse directement
à des non-philosophes. »[1]
L’École
d'Athènes, fresque de Raphaël, vers 1520, Palais du Vatican, Rome
et Aristote en bleu les ramène, de la main, sur terre...
[1] Entretien
de Gilles Deleuze avec Raymond Bellour et François Ewald, Magazine littéraire,
n° 257, sept. 1988

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