Quelques éléments de logique


Les principes logiques 
Dégagés par ARISTOTE (-384/-322), « père » de la logique, au sens de science formelle du discours rigoureux et démonstratif.
3 principes fondamentaux :
                - Principe d’identité : a = a
                - Principe de non-contradiction : a # non a
                - Principe de tiers-exclu : a V non a  (ou exclusif)

Remarque : c’est une logique formelle et du « fort même » ! En effet, le principe d’identité (le même) domine tout et conditionne les deux autres. Aujourd’hui il existe des logiques plus complexes à n valeurs. Mais surtout, il faut distinguer ce type de logique d’avec les logiques de penser, comme celle de Hegel qui se démarque du principe d’identité et se constitue en une dialectique du même et de l’autre : une chose peut être son contraire, au moins un certain temps. Le problème étant de se retenir de confondre naïvement ou trop vite toute logique du discours ou de la pensée avec l’ordre du réel, donc avec une ontologie.

Le formalisme des propositions
Il consiste à ramener toute proposition à une forme simple, permettant d’opérer plus facilement dessus : « S est P » ; S = sujet de la proposition ; est = copule, terme qui relie, souvent le verbe être ; P = prédicat : ce qui est dit du sujet ou lui est attribué.

Quantité, qualité et symbolisation des propositions
- deux quantités : universelle : « tous » ou « quel que soit » ; particulière : « il existe un » ou « quelques »
- deux qualités : affirmative ou négative
- donc quatre espèces de propositions :
                - Universelle affirmative, notée A (par convention depuis les Scolastiques)
                - Universelle négative, notée E
                - Particulière affirmative, notée I
                - Particulière négative, notée O

A-E et I-O  sont, l’une par rapport à l’autre, des propositions contraires : elles s’opposent sans s’invalider ou s’annuler l’une l’autre ; alors que : I-E et O-A sont des propositions contradictoires : elles se contredisent, c’est-à-dire s’invalident ou encore s’annulent l’une l’autre.
Ex. « tous les éléphants sont gris » (A) et « aucun éléphant n’est gris » (E), s’opposent sans s’invalider ; alors que « il existe un éléphant gris» (I) invalide E. Cherchez O… La proposition est facile à trouver, la chose moins !

La Syllogistique
« Le syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données. », Aristote, Premiers analytiques, 24b18.
                Le syllogisme est en principe toujours composé de trois propositions : deux prémisses et une conclusion. L’effet « mécanique » de la conclusion n’est, en fait, que le résultat de la force logique de la déduction, opérée à partir d’une double liaison. En effet, dans chacune des deux prémisses, il y a deux termes mis en relation, mais un de ces termes est identique (donc au total 3 termes), on le nomme le moyen terme ; dans la première prémisse (la « majeure »), il est lié au grand terme (autre terme de la proposition ) et dans la seconde prémisse (la « mineure ») au petit terme (l’autre terme) ; le moyen terme permet le passage déductif (transition) et donc justifie la liaison affirmée en conclusion entre le grand terme et le petit, mais selon des règles formelles strictes.
Exemples de deux modes de syllogismes concluants :
le Darii : Tous les hommes sont mortels,       
                  Socrate est un homme,                                                 
                  donc Socrate est mortel.                                            
 le Celarent : Aucun homme ne vole,
                        tout oiseau vol 
                        donc aucun homme n’est un oiseau.e ;
Remarque : les noms mnémotechniques sont dus également aux Scolastiques : chaque nom propre possède, comme voyelles, 3 des symboles de propositions du carré logique (a,e,i,o) et dans l’ordre où elles apparaissent dans le syllogisme, ainsi le Darii commence par une universelle affirmative (a) suivie de deux particulières affirmatives (ii). Il y a 19 modes de syllogismes concluants, hormis les deux modes concluants de la transitivité directe ou linéaire (universel affirmatif : tout a est b et tout b est c, donc a est c ; ou particulier affirmatif : Il existe un a qui est b, ce b est un c, donc ce a est un c). Les modes concluants dépendent à la fois des types de propositions  (quantité et valeur) et de la place du moyen terme dans les deux prémisses.
Quelques jolis petits noms de syllogismes : Barbara, Baroco, Festino, Felapton, Cesare…  

Précisément, il convient de faire attention aux sophismes : syllogismes apparents et intentionnellement trompeurs, raisonnement spécieux. Sans intention de tromper, on parlera de paralogismes, raisonnements faux. Ex de sophisme : « Tous les chats sont mortels, Socrate est mortel, donc Socrate est un chat » (Rhinocéros, Eugène Ionesco). Ce raisonnement semble être un Darii, mais il ne respecte pas les places du MT qui dans un tel syllogisme doivent nécessairement être celle du sujet dans la majeure et celle du prédicat dans la mineure. Cet exemple est au demeurant, inoffensif et à peine offensant pour Socrate, tant le chat est symbole d’indépendance. Mais, il y a parfois des sophismes plus pernicieux et de mauvais augures…
 Ex.  « Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques,
         Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la confession importe peu.
        Aucun juif ne peut donc être citoyen. »
 (Art. 4 du Programme du parti nazi (NSDAP), du 24 février 1920.)
Dans ce raisonnement apparemment logique (3 propositions et un « donc »), le problème est à la fois logique et sémantique. Il est en effet nécessaire qu’en plus de respecter des règles formelles, un syllogisme opère sur des significations claires et non ambiguës. Tout implicite ou glissement de sens du MT, en particulier, est source d’erreur ou indice de tromperie.
Analyse :
-          La majeure est une A : Tout citoyen a des droits civiques
-          La mineure aussi, elle peut être simplifiée en : tout citoyen est de sang allemand, avec pour annexe que l’on ne prend pas en considération la confession ; on peut relever un premier problème sémantique : la valeur idéologique de la notion de « sang » (racisme et nationalisme) ; mais une chose semble claire : la germanité ne se définit pas par la religion (le Nazisme se voulait païen).
-          La conclusion : les choses se compliquent. En effet, « juif » est un 4ème terme ! Ce qui est absurde dans un syllogisme. En bonne logique, la conclusion devrait lier « sang allemand » avec « droits civiques » et donner : « Tout individu de sang allemand a des droits civiques ». Mais alors il faudrait dire explicitement et à part du raisonnement que les juifs allemands ne sont pas « vraiment » allemands car de « sang  juif »; ce qui ajouterait un 5ème terme ! De fait, la conclusion du sophisme contient bien implicitement cette idée. Sauf que, hors de l’idéologie du sang (illusion et fantasme racistes), être juif est simplement une confession ! Dans ce cas la conclusion contredit l’annexe de la mineure : « la confession importe peu » ! De fait, les juifs allemands étaient tout aussi allemands que tous les allemands avant le 3ème Reich.
-          Même en faisant abstraction de ce problème, à la fois formel et de contenu et qui suffit à lui seul à ruiner la prétention logique du discours, le raisonnement est irrecevable. Car, la conclusion est une E (proposition universelle négative) ; or, aucun syllogisme en AAE n’est concluant !
Remarque : Il est symptomatique que les dirigeants nazis aient cru pouvoir donner à leur idéologie raciale et nationaliste une forme logique. Cela dénote d’abord à quel point le degré de culture d’un groupe ne le préserve pas des passions les plus haineuses, et, ensuite, qu’au contraire ce même groupe voudra élever ces passions au niveau de la plus haute culture possible ! Une quarantaine d’années plus tard, le criminel de guerre Adolf Eichmann se défendra, lors de son procès, en invoquant le Devoir et … la philosophie de Kant !

Pour conclure 
De même que la politique n’est pas une affaire de logique, la logique déductiviste ne permet pas de constituer une connaissance vraie, mais seulement à l’exposer rigoureusement une fois obtenue, ou bien à la tester (Cf. méthode poppérienne de testing). Ne pas confondre, donc, le formalisme de la logique avec le réalisme de la science ; c’est-à-dire le fait que le savoir vise la réalité de ses objets d’étude, et que la connaissance commence par une description et une définition exactes de ceux-ci. Précisément, ces exigences renvoient à des principes non plus seulement logiques, mais épistémologiques.

Eh, Aristote! Tous les hommes sont-ils potes?

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