L’histoire, de celle qu’on raconte à celle qui invente

N : Histoire, Société, Vérité, Interprétation, Politique
R : Subjectif/Objectif ; Cause/fin ; Immanent/transcendant


L’espèce humaine n’a pas seulement une évolution biologique, elle a une histoire qui fait d’elle une « espèce sociale et culturelle ». L’humanité s’est faite dans et par son histoire. « Histoire » en divers sens… Au passé, on en fait un objet d’étude scientifique ; surtout si ce passé est bien « froid », lointain. Mais quel intérêt pour les hommes ? L’histoire comme mouvement, devenir qui façonne les hommes et dans lequel ils agissent. Là, une science s’avèrerait bien utile, mais peut-on faire de l’histoire « à chaud », dans le feu de l’action, sans recul ? Cependant, les « philosophies de l’histoire » ont cherché et vu dans le devenir des orientations ou idées directrices. Est-ce bien rationnel ? Prophètes et faux messies, idéologues en tous genres ne manquent pas dans l’Histoire ! Les hommes doivent-ils alors renoncer à faire leur histoire intelligemment, à conduire plutôt que subir leur « destinée » ? La connaissance du passé ne peut-elle aider à celle du présent ? Peut-on envisager « une science du devenir historique » pour y agir en connaissance de cause ?

1. L’histoire écrite au passé
1.1. Mythe et Histoire 
« Il était une fois… », « Au commencement, il y avait… » ; ces formules introduisent des histoires, de « fabuleux récits propres à nous enchanter ». Rien à voir avec un livre d’histoire, une étude historique. L’histoire est souvent confondue avec ce qu’elle n’est pas, à savoir le mythe, un « grand récit ». L’Age d’or, le Paradis ne sont pas des récits d’événements passés, mais seulement des récits au passé. Ils racontent un « passé » dont nous n’avons aucun témoignage, même indirect, aucune trace objective ; un passé qui ne s’est pas passé ! Ils nous bercent de belles histoires remontant à la « nuit des temps », temps immémorial, indéterminé et uchronique1. Les mythes, en grec muthos, « récit » ou « légende », sont des narrations transmises oralement, puis fixées à l’écrit. Mais, ces histoires « hors du temps » sont d’une époque, elles ont une histoire ! Le mythe est lui-même un objet historique. Il ne nous apprend pas l’histoire car il en fait partie ! Il n’explique rien et doit lui-même être expliqué. Il peut aussi jouer un rôle historique en influençant les mentalités et donc les comportements.
>> Précisément, la nature d’un mythe ne s’éclaire que par sa fonction. Un mythe est actif en tant qu’il est un récit véhiculant des représentations collectives, culturelles, susceptibles de servir de modèles pour la conduite de ceux qui y adhèrent, ayant donc une signification, une valeur soutenues par une reconnaissance sociale. Dans son ouvrage Aspects de mythe (1963), l’historien des religions Mircea ELIADE, écrivait : « La fonction maîtresse du mythe est de révéler les modèles exemplaires de tous les rites et de toutes les activités humaines significatives aussi bien l’alimentation ou le mariage, que le travail, l’éducation, l’art ou la sagesse. »
>> Cela ne concerne pas seulement les sociétés anciennes, les modernes ont aussi des mythes actifs. Le sémiologue Roland BARTHES (1915-1980) l’a montré pour la France des Trente Glorieuses. Dans Mythologies (1957), il analyse des mythes sociaux de son époque, comme celui de l’abbé Pierre (« une belle tête d’abbé ») ou de la Citroën DS (véritable « Déesse » automobile). Un Barthes actuel traiterait de La liberté des marchés, de la Mondialisation, de Zidane, des Cybercommunautés… Cela ne signifie pas que les contenus de ces mythologies sociales soient inventés, mais les choses y sont représentées d’une façon illusoire et trompeuse. Ces représentations idéologiques aliènent les « consciences » et induisent des comportements normalisés.
1.2. Remarque terminologique 
Le mot français « histoire » est ambigu ; il désigne à la fois la réalité historique, donc le passé ou le devenir, et l’étude de cette réalité2. Un seul signifiant, mais deux signifiés et deux référents : la science et son domaine d’objet. En allemand, Geschichte désigne la « réalité historique », et Historie son « étude ». L’acception du deuxième terme est strictement conforme à son étymologie grecque ; historia, du verbe historein « s’enquérir », désigne l’« enquête », la « recherche intellectuelle » et, conséquemment, le récit qui en rend compte. En français, l’usage écrit « veut » que l’on on utilise la majuscule comme signe distinctif entre l’Histoire réalité et l’histoire étude, mais…  
1.3 Naissance de l’histoire 
En Grèce antique, l’enquête historique fait régresser l’interprétation mythologique du réel (démystification philosophique aux Ve et IVe siècles av. J-C.). HERODOTE (480-425) a été le premier à écrire des Histoires, enquêtes rapportant divers témoignages sur les mœurs des Grecs et des Barbares. Mais les témoignages sont subjectifs. Pour avoir une véritable connaissance du passé, une relation objective des faits, il faut soumettre le récit historique à un contrôle, recouper les documents. L’objectivité réclame la critique et la vérification. Aussi, THUCYDIDE (460-395) est le véritable « fondateur » de l'histoire. Contemporain de la guerre du Péloponnèse (430-404), il établit les faits en écartant la légende et le merveilleux ; il pratique l'examen critique de la chronologie et des témoignages dans le but de dégager une logique des événements ; il opère également un décentrement en indiquant les responsabilités d'Athènes dans le déclenchement de la guerre, soumettant ainsi sa subjectivité d’athénien à une autocritique. De nos jours les moyens scientifiques ont considérablement progressé, mais les études historiques restent fidèles à cette posture fondatrice.  
1.4. L’histoire comme « science humaine »
1.4.1. Ses moyens 
L’histoire a de plus en plus recours à des sciences humaines (économie, sociologie, etc.). Mais, aussi à des sciences auxiliaires techniques très spécialisées : la philologie, l’épigraphie, la symbolique, la généalogie, l’onomastique, l’héraldique, la diplomatique, et bien sûr la dendrochronologie (A vos dictionnaires !)

1.4.2. Son objet 

Le passé. Lequel ? L’historien Fernand BRAUDEL (1902-1985) a découpé le domaine d’objet que constitue le passé : il y distingue trois temps historiques se superposant et donnant lieu à des enquêtes différentes. Au temps long ou géographique correspond une « histoire quasi immobile, celle de l’homme dans ses rapports avec le milieu qui l’entoure. » ; au temps moyen ou social correspond une « histoire lentement rythmée, une histoire sociale » comprenant des études démographiques et économiques, politiques et sociologiques ; enfin, au temps court ou individuel correspond une histoire événementielle, s’occupant des actions des personnages historiques de premier plan. La découpe chronologique du passé à étudier ainsi que la définition de l’objet d’étude sont des problèmes inhérents à toute histoire… Ex : Quand s’arrête la Révolution française ? Certains la font aller jusqu’à la IIIème République ! C’est bien en 1870-71 que la bourgeoisie achève sa conquête du pouvoir politique en France, mais en matant la Commune de Paris, héritière des Sans-Culottes plutôt que des Girondins ! Incidence sur l’objet : à l’alliance de classes de 89 contre la monarchie, fait suite au 19ème s. une série de « révolutions dans la Révolution » où des classes jadis alliées se combattent.  

>> Le passé pose le problème méthodologique de son observation, en raison même de son absence, (il n’est plus) et de sa singularité (il est unique). Les faits empiriques sont passés et il n’y pas de « laboratoire » pour les reproduire et en vérifier le déroulement et l’explication. L’historien doit donc travailler sur les traces et les documents permettant une reconstitution du passé qui doit être professionnellement examinée et discutée par d’autres. Si l’on ajoute à cela l’exigence de ne pas confondre le passé avec sa « mémoire collective » (nature et utilité autres), on mesure les contraintes et limites de l’objectivité en histoire ; ce qui explique la remise en chantier permanente de l’historiographie.
>> Comme les sciences de la nature, l’histoire explique des faits empiriques. Mais, de même que le fait scientifique de la chute des corps ne se confond pas avec l’événement d’une pomme tombant d’un arbre, de même l’historien doit s’employer, au-delà du relevé chronologique des événements à établir le fait historique comme un fait scientifique, c’est-à-dire un ensemble d’éléments identifiables et explicables. Sans la faire durer un siècle, la Révolution française ne se réduit pas à la Prise de la Bastille qui n’est qu’un événement dont le sens n’est intelligible que replacé en contexte et relié à d’autres événements. L’ensemble constituant un « objet historique » à interroger, un « fait » à expliquer.  
1.4.3. La causalité en histoire 
Elle ne peut être mécanique ; les hommes ne sont pas des pantins. La causalité historique est complexe, multifactorielle. On distinguera les objectifs conscients des agents historiques, des causes de leurs actions (si les sujets humains agissent selon des buts conscients, ceux-ci sont cependant conditionnés) ; ainsi que les causes efficientes, immédiates et événementielles, des causes profondes, déterminantes ou structurelles. Si le hasard intervient, c’est en tant que « rencontre de facteurs causaux indépendants les uns des autres » (hasard objectif) et sans surestimer la contingence ou le caprice humain comme le fait « la petite histoire ».
Sans pour autant surestimer la contingence (= hasard) ou, pire, le caprice humain comme le fait « la petite histoire ». En prétendant que si le nez de Cléopâtre eut été plus court, la face de la terre aurait été changée, PASCAL (1623-1662), s’est laissé abuser par un effet de surface de l’histoire : le joli nez de Cléopâtre ayant contribué à séduire César, expliquerait l’absence de guerre entre Rome et l’Egypte… Proéminence faciale négligeable ou pas suffisante comme explication ! Dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, MONTESQUIEU (1689-1755) propose d’articuler hasard et nécessité : « Si le hasard d’une bataille, c’est-à-dire une cause particulière, a ruiné un Etat, il y avait une cause générale qui faisait que cet Etat devait périr par une seule bataille. » Le hasard, comme rencontre de séries causales indépendantes est aussi une cause particulière, relative, « qui aurait pu ne pas se produire » ; mais une autre aurait « pris sa place » pour déclencher « la ruine d’un Etat ».
Transition : Mais, la connaissance du passé peut être un enjeu pour le présent dans lequel les hommes vivent leur histoire. On le mesure, par exemple, aux tentatives d’instrumentaliser ce passé comme dans l’histoire officielle (manipulation étatique de l’histoire). Ou bien, au travers du rappel incessant des « leçons de l’histoire » à ne pas confondre avec des leçons de morale ! Il n’est pas impossible de se servir de l’expérience passée des hommes pour essayer de mieux agir dans le présent. Cependant, « l’Histoire ne ressert jamais les mêmes plats. » (MARX).

2. L’histoire vivante

2.1. Le devenir, mouvement de l’histoire 
L’histoire, c’est aussi le devenir collectif des hommes. Le passé n’est plus, seul le présent existe. Il est le temps réel, celui dans lequel les hommes vivent et peuvent agir. Un présent perpétuel dont le contenu se renouvelle constamment. Concrètement la seule réalité historique à laquelle nous sommes confrontés est donc le devenir, l’histoire en cours : dynamique du présent tirant les fils du passé et tendant vers l’avenir. Devenir de l’humanité depuis l’invention de l’écriture ou avant (distinction entre histoire et préhistoire) ; devenir des sociétés, des techniques, etc. Le devenir concerne toute chose à partir de sa venue à l’existence jusqu’à son terme, à travers son développement et ses modifications ; si le devenir s’arrête, la chose meurt : fin de l’histoire. Il est une « loi » du réel qui fait que rien ne dure sans changer ; il conjugue le Même avec l’Autre, l’Identité avec la Différence. « Nous nous baignons et nous ne nous baignons pas dans le même fleuve. » disait, HERACLITE (576-480 av. JC). Si le lit du fleuve est le même, son eau change en permanence. Le sage d’Ephèse concevait toute la Nature de façon dialectique : « La guerre est le père de toutes choses » ; c’est-à-dire que le conflit, jeu des contraires entre eux, produit le réel (constructions et destructions, puis nouvelles constructions). A l’instar de ce devenir de la Nature, l’histoire humaine est travaillée par des contradictions, des tensions entre intérêts divergents, des antagonismes complexes.
>> Agir dans l’histoire, soit. Mais dans quel sens ? Faut-il aller dans le sens de l’histoire ? En a-t-elle au moins un ? Y a-t-il un progrès en histoire ? Comment le savoir ? Peut-on aller à contre-courant sans risquer le contresens ?
2.2. Le sens de l’histoire 
Les grecs concevaient le temps de façon cyclique : tout était voué à un éternel retour. L’histoire ne pouvait donc que retourner à son point de départ. Une histoire orientée vers une fin (terme ou finalité) suppose une conception linéaire du temps. L’idée d’un sens de l’histoire orientant les événements et leurs donnant une valeur est d’origine biblique3. Dans cette approche finaliste, le commencement et les étapes intermédiaires sont conditionnés par la fin. Ce schéma eschatologique (qui fait tendre l’histoire vers l’avènement d’un « Règne des fins ») a été, ensuite, réutilisé par le Christianisme. On le retrouve « laïcisé » dans les philosophies (idéalistes) du Sens de l’Histoire. L’histoire est alors soumise à une téléologie (« discours qui ordonne selon la fin » ; en grec télos = « fin »).
>> Ainsi, procède KANT (1724-1804) dans Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique (1784) et Projet de paix perpétuelle (1795). Il y décrit un plan de la Nature qui, à travers la nature humaine, se réaliserait dans l’histoire pour instaurer un ordre mondial juridique, un « cosmopolitisme » visant à faire régner la paix sur terre entre tous les Etats, au besoin par l’intervention d’une police internationale4. La philosophie hégélienne de l’histoire, quant à elle, ajoute à l’idée d’une histoire qui serait le lieu d’une réalisation progressive de l’Esprit, un « moteur » interne au processus historique : la dialectique (affirmation /négation/négation de la négation ou dépassement de la contradiction). Et la fin suprême de l’histoire continue à mener les hommes, y compris à leur insu, au moyen d’une « ruse de la raison » …
>> Critique : ces philosophies font aller le devenir à l’envers : ce n’est plus le passé qui précède et conditionne le présent et l’avenir, mais l’avenir, qui n’existe pas encore, « expliquerait », « produirait » et « justifierait » le passé et le présent ! Causes finales et finalisme ne sont que des croyances et la téléologie est sans fondement rationnel.
Transition Quand les hommes agissent consciemment, ils se représentent des fins à atteindre. Mais, ces visions traduisent plus leurs motivations que des causes déterminantes. Si « les hommes font leur histoire », il ne suffit pas qu’ils la fassent animés par des idées pour que celles-ci deviennent réalité. Pour que des idées deviennent des facteurs historiques déterminants, il faut qu’elles remplissent quelques conditions…

3. Une science au service de l’action des hommes dans l’histoire
3.1. Une « science du présent » 
Donner à l’histoire un sens transcendant (extérieur, supérieur) et finaliste, c’est risquer l’erreur de l’abstraction et la récupération idéologique. Cependant, pourrions-nous supporter un devenir absurde, dénué de signification, de direction ? Le sens historique essentiel à découvrir est celui du présent, celui de ses tendances, possibilités ou impossibilités. Si la connaissance du passé est utile, l’attention, la participation à ce qui se passe et l’analyse de la situation sont absolument nécessaires. Pour agir utilement, il vaut mieux comprendre son temps, en saisir le sens immanent (interne et en acte). Nul besoin de voir à l’avance la « fin » de l’histoire. Le passé nous apprend qu’à trop vouloir faire entrer une vision idéale de l’histoire dans le présent, on risque une caricature parfois monstrueuse de l’idéal. Faut-il pour autant renoncer à une action historique éclairée ?
>> Le Matérialisme historique de MARX (1818-1883) tout en conservant le moteur hégélien de la contradiction, entend remettre l’histoire à l’endroit, la faire marcher sur sa base réelle, économique et sociale. « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes. » ; par cette phrase ouvrant le Manifeste du parti communiste (1848), MARX et ENGELS affirment une dynamique de l’histoire en train de se faire. Rapports de production et forces productives définissent les différents modes de productions économiques de l’histoire. Les forces productives (hommes, travail, techniques) se développent par l’activité économique et les progrès scientifiques. Quand les rapports de production (cadre juridique de la propriété et nature du pouvoir) ne peuvent plus contenir les forces productives, la situation devient critique, voire révolutionnaire (ex. Révolution française de 1789 : la bourgeoisie est à l’étroit dans les rapports de production féodaux). Mais, il faut encore l’action des masses pour avancer, changer les rapports sociaux et l’organisation politique qui en découle. Tout est conditionné par la situation, mais rien n’est joué d’avance ou strictement déterminé sans l’action collective des hommes (avec des individus en pointe). Pour MARX, pas question de croire religieusement en l’avènement assuré de la société sans classe, dite « communisme » ; même si les contradictions du capitalisme travaillent dans le sens d’un souhaitable dépassement de ce mode de production inhumain et nuisible.
>> Un exemple historique : l’échec de la Révolution russe au XXe s. peut servir à différencier une certaine téléologie, voire une mythologie « communiste », de la philosophie pratique qu’est le marxisme. Dans la Révolution de 1917, on voit parfaitement l’effet d’une lutte de classe poussée à son point de rupture. Les masses ouvrières luttent contre un capitalisme moderne et féroce associé à un Etat tsariste arriéré. Les dirigeants bolcheviques analysent en permanence les rapports de force et tentent de définir leur action à la lumière des acquis du marxisme (par ex. la Commune de Paris.) Mais, la réalité est complexe, les forces en jeu nombreuses et les intérêts différents. A la mort de Lénine, Staline s’empare du parti et du pouvoir, la Révolution tourne alors à la dictature personnelle. Au moment où se répand dans le monde le mythe d’une Union soviétique modèle, réalisant le « socialisme dans un seul pays » sous la direction du « petit père des peuples » (non-sens révolutionnaire), Léon Trotsky (1879-1940), théoricien et ex-dirigeant de la Révolution des Soviets au côté de Lénine, développait déjà, dans La révolution trahie (1936), la critique marxiste du tournant stalinien de 1923 : le stalinisme constitue une contre-révolution qui conduit le pays vers la bureaucratie, l’oligarchie et le capitalisme monopolistique d’Etat. L’explication étant à chercher dans les conditions économiques et sociales, donc historiques, de la Russie de l’époque (poids de la paysannerie, situation internationale du mouvement ouvrier, inertie de la révolution…)
>> Analyse au présent : Si le Capital est entré depuis plus d’un siècle dans une phase négative (guerres, nuisances pour les populations et la nature) et si le progrès serait donc d’inverser le rapport de force entre travail et capital, ce qui induit une prise de conscience politique et une organisation des forces ; on constate qu’au contraire, il résiste en utilisant la montée des extrémismes aussi bien politiques que religieux. La "fin" d’un moment historique peut durer longtemps…

3.2. Devenir et action humaine 

Le devenir est nécessaire, mais pas fatal ; l’histoire n’est pas écrite d’avance. Le cours présent de l’histoire est fait du poids du passé, mais aussi de conjonctures non encore closes. Ce qui devient est donc à la fois déterminé et non entièrement fixé, il est ouvert sur des possibles et de la nouveauté. Les structures économiques, les institutions sociales, politiques, culturelles, les mentalités, les comportements ont une force d’inertie importante, mais n’échappent pas au devenir, aux changements. Si les formations historiques condamnées (ex. le capitalisme) mettent un temps assez long à disparaître, elles évoluent et peuvent être modifiées, voire abolies subitement (crises, guerres, révolutions).
L’histoire emporte l’homme comme un fleuve porte le baigneur qui, malgré le courant, peut nager. D’autant que le cours de l’histoire est fait de plusieurs courants (politiques). Les hommes, en s’organisant peuvent agir pour la réalisation de leurs désirs, projets, idéaux, à condition de tenir compte du passé et des contraintes de la situation. Comme l’écrit MARX (1818-1883), dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte : « Les hommes font leur propre histoire, mais dans des conditions directement données et héritées du passé ». Conditions changeantes sous l’effet de l’action des hommes
En histoire, la liberté d’action se joue dans les interstices des causes structurelles. Du fait même de leur grand nombre, ces causes laissent une place à la décision et à l’initiative humaines. Mais, les hommes ont toujours intérêt à agir avec la plus grande intelligence possible de la situation et des moyens de s’y intégrer pour la faire évoluer. Si tous les hommes trempent dans le fleuve de l’Histoire, sa « direction » et son « débit » sont fonction de la décision du plus grand nombre d’entre eux d’y prendre une part active et éclairée.





1 Si l’u-topie désigne à la lettre le « non-lieu », ce qui n’existe nulle part ; l’u-chronie désigne ce qui n’est d’aucun temps.
2 Le mot « biologie », par ex., n’induit pas une telle confusion ; il désigne la « science du vivant » (bio-logie) et non son objet : la vie.
3 L’Alliance entre Abraham et Yahvé inaugure une « histoire sainte » des Hébreux censée les mener en Terre promise en échange d’une foi sans faille. L’instauration du Royaume terrestre d’Israël est un 1er but, mais l’histoire n’est pas achevée. Seul un Messie réalisera le Royaume spirituel de Dieu.
4 Durant la 1ère Guerre du Golfe (1990), Etats-Unis et alliés contre Irak (avec l’aval de L’ONU), des idéologues ont cité KANT et parlé de « guerre juste » marquant une étape décisive de l’histoire humaine. Par ex. Michel Rocard, alors Premier Ministre, à l’Assemblée, lors de l’annonce officielle de la participation de la France au conflit (en fait, guerre impérialiste aux enjeux géostratégiques et pétroliers, pour contrôle du Golfe persique).

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