Formes Logiques de Sujets de Dissertation
En philosophie, les énoncés de sujets de dissertation sont structurés selon des formes logico-conceptuelles récurrentes qui en conditionnent la problématique et doivent orienter la réflexion. Ces formes s’articulent aux Repères du programme. Les 7 principales sont les suivantes :
1 ère Forme : Nécessité ou Contingence
« Faut-il … » ou « Est-il nécessaire de… pour… ? »
interroge la condition nécessaire qui peut s’avérer l’être ou pas ; si
elle l’est, il faut examiner si elle est aussi suffisante ou seulement
nécessaire. Si elle ne l’est pas, elle peut être contingente, voire souhaitable
mais non requise : Il faut dire pourquoi et surtout rechercher qu’elle
serait alors la condition nécessaire. Certes, "faut-il" peut aussi avoir le sens de l'obligation: "est-il dans mon devoir de... " ; mais alors il faut se reporter à la forme du Devoir (3). Cependant, dans la plupart des sujets en "faut-il", le sens de la nécessité prime (s'en assurer au cas par cas).
Variante
« Suffit-il
de… ? »
= Condition suffisante ou seulement nécessaire ? La première implique
immédiatement la conséquence, la seconde est requise, mais il faut encore une
autre condition pour obtenir la conséquence ; ex. travailler est une
condition nécessaire pour obtenir le bac, mais elle n’est pas suffisante, car il
faut et il suffit d’avoir une moyenne de 10/20 (donc une certaine réussite).
Remarques
1°) la condition suffisante est toujours
nécessaire, mais non l’inverse.
2°) « nécessaire » a dans l’usage
courant davantage le sens d’utile ou
d’indispensable que celui de ce qui s’impose ou ne peut pas ne pas être ou être autre. Il faut en tenir compte et
cela sert à élargir la réflexion, voire à trouver une solution au problème en
dépassant le sens philosophique.
3°) Attention ! Il ne convient d’être
rigide dans l’analyse formelle du sujet, les notions engagées dans la question
sont importantes et il est possible de passer d’une forme à une autre ;
ici on peut montrer que « falloir » ne suffit pas mais que « c’est
un devoir de… ». Dans ce cas on réservera ce basculement pour la fin
(dernière partie) ou même pour la conclusion (question d’ouverture).
Repères
- Nécessaire
- Contingent
- Cause
– Fin
- Essentiel
– Accidentel
- Principe
– Conséquence
- En
théorie - en pratique
Exemples
-
Est-il nécessaire
d'être cultivé pour apprécier une œuvre d'art ?
-
Suffit-il d’être
conscient pour se connaître soi-même ?
-
Faut-il laisser une
place à l’irrationnel dans la conduite de la vie ?
2 ème Forme : Possibilité ou Droit
« Peut-on… ? » = 1° la possibilité, soit théorique ou logique
(non contradictoire), soit pratique (puissance d’action ou faisabilité dans
l’expérience) ; ou bien, 2° la légitimité : est-ce raisonnable ou
juste ? (Là non plus, le devoir n’est
pas loin.)
Variante
Pour 2° : « A-t-on le droit de… ? » ou « Est-il permis de… ? »
Possibilité juridico-morale, sociétale.
Repères
- Possible
- Impossible – Nécessaire
- En
Acte - en Puissance
- En
Fait - en Droit
- Légal
- Légitime
- Idéal - Réel
Exemples
-
Peut-on dire que le
passé n’est jamais mort ?
-
A-t-on le droit de
se révolter ?
-
Peut-on mentir à
des fins morales ?
3 ème Forme : Devoir
« Doit-on… ? » ou «
A-t-on le devoir de… ? »
= l’obligation en générale, qu’elle soit morale, éthique, juridique
ou « politique » au sens de la « polis » grecque (=qui
concerne la vie civile, la citoyenneté).
Remarques
1° Trop souvent l’obligation est confondue
avec la contrainte qu’elle n’est pas. Cette distinction fait l’objet d’un
repère du programme. Obligation - Contrainte : la première est de l’ordre du
devoir, la seconde de celui de la nécessité (pression ou force). Ex. une dette
privée m’oblige, sans me contraindre, car je me suis seulement engagé à rendre, mais je peux ne pas le
faire (pour x raisons ; mon créancier peut alors m’y contraindre, m’y
forcer, par le droit si preuves ou témoins ou par la violence ; ou
bien : la politesse m’oblige, une menace me contraint.
2° Le devoir peut s’entendre en différents
sens que Kant a distingués dans une typologie faisant référence. En résumé,
deux grandes significations très distinctes et une sous-distinction pour la
deuxième : 1. « l’impératif catégorique » définit le devoir moral, à
ce titre inconditionné (ex. « tu ne tueras point. ») ; alors que
2. «l’impératif hypothétique» définit un devoir sous condition, 2.1 « technique » (ex. « qui veut
voyager loin ménage sa monture » ou « pour monter sur ce toit je
dois prendre une échelle ») ou 2.2 « pragmatique », relatif au
bien-être (« si je veux être heureux, je dois limiter mes désirs » ou,
plus illusoire, « pour être heureux, je dois avoir beaucoup d’argent »). Ces
distinctions doivent servir (impératif
technique ; puis pragmatique, leur usage pertinent permettant de faire une
meilleure copie et donc d’obtenir une meilleure note) dans le traitement des sujets
de cette forme, avec discernement. Ces distinctions conditionnent en partie la
résolution du problème.
Repères
- Absolu
- Relatif
- Formel
- Matériel
- Légal
- Légitime
- Principe
- Conséquence
- En
Fait - en Droit
- En
Théorie - en Pratique
Exemples
-
L'art doit-il
plaire?
(obligation morale)
-
L'homme doit-il
travailler pour être humain ?
-
Devons-nous
toujours obéir aux lois ?
4 ème Forme : Finalité ou rapport Moyen-Fin
« …
a-t-il pour but de… ? » ou « …
permet-il de … ? » Il
peut aussi bien s’agir d’une finalité technique que morale ou politique ou
cognitive. Bien évidemment, ces sujets peuvent croiser avec ceux de la
nécessité et la contingence, d’où le recours au repère nécessaire-contingent.
Remarque
Ces sujets peuvent aussi bien être
structurés par un verbe autre que permettre ou avoir besoin de, mais qui induit tout de même la finalité ou le rapport moyen-fin, comme
par ex. « L’art nous enseigne-t-il
quelque chose ? » = a-t-il pour fin de nous enseigner quelque chose. Il est impossible d’en dresser la liste.
Repères
- Nécessaire
- contingent
- Cause
- Fin
- Essence
- accident
- Médiat
- Immédiat
- Immanent-Transcendant
(Une
fin peut-être immanente à son moyen : visser-dévisser pour un tournevis ou
bien relativement transcendante, avec ou non médiation et hiérarchie de
plusieurs fins : réparer mon grille-pain (fin technique) pour prendre mon petit
déjeuner demain (« faim » !) pour bien commencer ma journée (fin
éthique)!
Exemples
- La discussion
n’a-t-elle pour but que l’accord avec autrui ?
- L’amour permet-il
de mieux connaître autrui ?
- Le développement de
la technique permet-il à l’homme d’acquérir une
plus grande liberté ?
5 ème Forme : Identité - Différence ou Opposition
« S est-il
P ? » ou « S verbe d’action P ? » ; S = sujet / P = prédicat. Il s'agit d'un sujet d'élucidation: faire la lumière sur une notion-sujet en la confrontant à un prédicat possible. On peut comprendre cette confrontation comme une comparaison, le propre d’une comparaison étant de se
faire entre des choses proches ou ressemblantes. Il convient alors d’examiner les ressemblances pour se demander si elles ouvrent sur une identité ou sur une
différence (de nature ou de degré).
Remarque
La différence peut à la limite aller
jusqu’à la contradiction : ce qui paraissait identique s’avère être
contraire. Dans le 1er sujet des exemples ci-dessous, il est clair
qu’on peut démontrer que « faire ce que je veux » qui semble affirmer
une liberté du vouloir, est, en dernière analyse, le contraire de la liberté,
soit la soumission totale au caprice dont nous ne décidons ni le surgissement
ni la nature.
Repères
- Identité-Egalité-Différence
- Genre-Espèce-Individu
- Ressemblance-Analogie
- Universel-Général-Particulier-Singulier
Exemples
-
Etre libre est-ce
faire ce que l’on veut ?
-
L’imagination
est-elle le refuge de la liberté ?
-
Qu’est-ce que je
prends quand "je prends mon temps" ?
6 ème Forme : Alternative
Forme assez rare. "S est-il A ou B?" ou bien " A exclut-il B?" . Au départ, pour problématiser le sujet, l'alternative est à entendre comme un « ou » exclusif ; donc, on examine des possibilités contraires
qui tendraient à s’exclure l’une l’autre = 2 parties évidentes. Mais il est bon de la faire évoluer, si possible, en "ou" inclusif (les 2 à la fois). C'est le cas dans le Dépassement ou la Synthèse des plans dialectiques tripartites; on montre alors que les 2 possibilités examinées en thèse et antithèse ne s’excluent
pas, mais se combinent ou se complètent pour former une
3ème détermination qui permet le dépassement de l’alternative exclusive.
Remarque
Parfois, la comparaison peut être faite
relativement à un 3ème terme servant d’enjeu comme dans le sujet 3
ci-dessous. Ce sujet est aussi un ex. de dépassement par une 3ème
détermination : le présent, est de tous les temps, le plus réel, et
précisément, il fait le lien entre les deux autre y compris pour ce qui est du
passage d’une réalité du passé à l’avenir qui peut la prolonger ou la
transformer, voire l’abolir.
Repères
- Identité
- Egalité - Différence
- Nécessaire
- Contingent
- Abstrait
- Concret
- Origine
– Fondement
Exemples
-
L’homme est-il
nature ou culture ?
-
L’idée
d’inconscient exclut-elle l’idée de liberté ?
-
Le passé a-t-il
plus de réalité que l’avenir ?
7 ème Forme : Pourquoi
Forme encore plus rare. « Pourquoi… ? » Sujet
d’élucidation des causes ou raisons d’un fait ou phénomène ou d’une idée,
opinion… Pourquoi peut aussi interroger l’intention, la finalité ; dans ce
cas se reporter à la forme n° 4. Il s’agit pour chaque sujet d’évaluer le poids
de chaque signification possible, comme, du reste, pour les formes plurivoques.
Remarque
Pour autant, on n’attend pas une
élucidation exhaustive et un travail encyclopédique. Il s’agit toujours de
problématiser le sujet, donc ici de faire apparaître des causes souvent
invoquées ou ayant une certaine évidence, puis s’employer à les remettre en
question, dans le mouvement d’ensemble de la réflexion du problème.
Repères
- Cause
- Fin
- Origine
- Fondement
- Essence
- Accident
- Expliquer
- Comprendre
-
Immanent
- Transcendant
Exemples
- Pourquoi la philosophie juge-t-elle primordiale de réfléchir sur le langage ?
- Pourquoi y a-t-il un devoir de mémoire?
- A quoi bon se cultiver ?
- Pourquoi la philosophie juge-t-elle primordiale de réfléchir sur le langage ?
- Pourquoi y a-t-il un devoir de mémoire?
- A quoi bon se cultiver ?
ATTENTION !
1°
Les formulations de sujets ne sont quand même pas strictement normées. Il peut
y en avoir qui ne ressemblent pas explicitement à celles répertoriées ici.
Néanmoins, une bonne analyse problématique du sujet, dont ces conseils ne
dispensent pas, montrera assez vite que le sujet peut être rattaché à l’une de
ces formes.
2°
Certaines formes se croisent ou s’interpénètrent. Par exemple, le sujet « Faut-il vivre avec son
temps ? » est de la forme n° 1 qui peut croiser avec la 3 :
« Doit-on vivre… », faut-il en faire un devoir ? Mais elle
contient bien évidement des aspects de la 5, « identité et différence » :
« Vivre est-ce vivre avec son
temps ? »
3°
Par ailleurs, les repères indiqués ne sont pas tous, ni toujours convocables, cela
dépend de la singularité du sujet et des notions impliquées. En revanche,
d’autres repères, non indiqués,
peuvent être convoqués dans le corps de la dissertation et pour les mêmes raisons.
4°
Enfin, certains repères s’imposent dans presque tous les sujets, comme
croire-savoir ; subjectif-objectif ; absolu-relatif et
nécessaire-contingent. Pensez-y !
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